Paroles – Leclerc – Contumace
Félix Leclerc
CONTUMACE
Un habitant de l'Île d'Orléans philosophait
Avec le vent, les petits oiseaux et la forêt,
Le soir venu à ses enfants il racontait
Ce qu'il avait appris là–haut sur les galets.
Un beau matin, comme dans son champ, près du marais,
Avec son chien, en sifflotant, il s'engageait,
Deux hommes armés à collet blanc lui touchent le dos,
Très galamment, en s'excusant, lui disent ces mots:
"Monsieur, monsieur, vous êtes sous arrêt
Parce que vous philosophez,
Savez, monsieur, en prison vous venez:
Pour philosopher, apprenez
Qu'il faut d'abord la permission
Des signatures et des raisons
Un diplôme d'au moins une maison spécialisée..."
Ti–Jean Latour, à bicyclette, un soir de mai,
Se dirigeait, le coeur en fête, chez son aimée
Et il chantait à pleins poumons une chanson
Bien inconnue dans les maisons de publication.
Mes deux zélés de tout à l'heure passant par là
Entendent chanter l'homme dont le coeur gaiement s'en va
Sortent leur fusil, le mettent en joue sans hésiter
Et lui commencent ce discours pas très sensé:
"Ti–Jean, Ti–Jean, te voilà bien mal pris
Parce que tu chantes sans permis;
As–tu ta carte? Fais–tu partie de la charte?
Tu vois bien mon Ti–Jean Latour
Faut que tu comparaisses à la cour
Apprends que pour de venir artiste
Faut d'abord passer par la liste des approuvés..."
Et en prison Ti–Jean Latour et l'habitant
Sont enfermés à double tour pendant deux ans
Puis quand enfin l'autorité les libéra
Écoutez bien mesdames, messieurs, ce qu'elle trouva:
Un homme savant et un compositeur
Heureux, grands et seigneurs...
On les pria d'accepter des honneurs
Mais l'habitant, en rigolant,
S'en fut en courant dans son champ
Pendant qu'à bicyclette Ti–Jean
Reprit sa course, en chantonnant, tout comme avant...
CONTUMACE
Un habitant de l'Île d'Orléans philosophait
Avec le vent, les petits oiseaux et la forêt,
Le soir venu à ses enfants il racontait
Ce qu'il avait appris là–haut sur les galets.
Un beau matin, comme dans son champ, près du marais,
Avec son chien, en sifflotant, il s'engageait,
Deux hommes armés à collet blanc lui touchent le dos,
Très galamment, en s'excusant, lui disent ces mots:
"Monsieur, monsieur, vous êtes sous arrêt
Parce que vous philosophez,
Savez, monsieur, en prison vous venez:
Pour philosopher, apprenez
Qu'il faut d'abord la permission
Des signatures et des raisons
Un diplôme d'au moins une maison spécialisée..."
Ti–Jean Latour, à bicyclette, un soir de mai,
Se dirigeait, le coeur en fête, chez son aimée
Et il chantait à pleins poumons une chanson
Bien inconnue dans les maisons de publication.
Mes deux zélés de tout à l'heure passant par là
Entendent chanter l'homme dont le coeur gaiement s'en va
Sortent leur fusil, le mettent en joue sans hésiter
Et lui commencent ce discours pas très sensé:
"Ti–Jean, Ti–Jean, te voilà bien mal pris
Parce que tu chantes sans permis;
As–tu ta carte? Fais–tu partie de la charte?
Tu vois bien mon Ti–Jean Latour
Faut que tu comparaisses à la cour
Apprends que pour de venir artiste
Faut d'abord passer par la liste des approuvés..."
Et en prison Ti–Jean Latour et l'habitant
Sont enfermés à double tour pendant deux ans
Puis quand enfin l'autorité les libéra
Écoutez bien mesdames, messieurs, ce qu'elle trouva:
Un homme savant et un compositeur
Heureux, grands et seigneurs...
On les pria d'accepter des honneurs
Mais l'habitant, en rigolant,
S'en fut en courant dans son champ
Pendant qu'à bicyclette Ti–Jean
Reprit sa course, en chantonnant, tout comme avant...